6 septembre 2009

Petits arrangements avec la science

Nous avons été nombreux, hommes et femmes à lire certains ouvrages récents se basant sur la neurobiologie pour expliciter notre incapacité à aimer au long court, à conjuguer amour et toujours. L'idée directrice de ces livres repose sur le fait que la neurobiologie permet de répondre à l'aspect cyclique de nos amours. La rencontre avec un nouvel amour nous permettrait de produire des substances chimiques euphorisantes, un processus qui se poursuivrait environ trois ans, au terme desquels la production d'hormones ralentirait avant de se tarir. Trois ans cela correspondrait très exactement au temps nécessaire pour s'accoupler, mettre au monde un enfant et le sevrer du lait maternel.

Voilà qui fait rêver. Alors voilà, le rêve que nous portons tous en nous, ce merveilleux rêve d'Amour parfait n'existerait pas? ou alors il s'agirait d'un rêve en CDD ( un contrat à durée déterminée de trois années exactement)! Au delà de ces trois années, le mille quatre-vingt quatrième jour exactement le coeur ne battrait plus avec la même intensité, l'amitié remplacerait l'amour, nous n'aurions plus vraiment envie l'un de l'autre, nous ne resterions ensemble que par confort et par sécurité?

Il nous resterait alors trois options: changer de partenaire tous les trois ans et connaître une vie amoureuse intense, prendre un amant ou une maîtresse et tenter le beurre, l'argent du beurre et la crémière ou encore nous résigner, la sécurité, ce n'est déjà pas si mal. Quoi qu'on en dise, cette histoire hormonale nous fournit une excuse bien commode pour nos échecs amoureux à répétition: après tout, on ne peut pas aller contre les lois de la nature, n'est-ce pas? Nous voilà rassurés, ouf, nous ne sommes pas la cause de la fin tragique de nos histoire d'amour. La science ne cesse de nous venir en aide...

Certains ont pourtant trouvé une parade au déclin des sentiments: se tenir à distance respectable de leur partenaire. Arielle Dombasle et BHL, Françoise Hardy et Jacques Dutronc l'ont compris qui choisissent de vivre séparés ou de se vouvoyer. Certes l'Amour semble perdurer mais quel prix à payer que de se fuir pour s'aimer.

Si je me permets un peu de dérision, c'est que j'ai moi-même tenté le mode de vie à distance assorti de ruptures. Des années durant la passion a alimenté ma vie, des années durant j'ai vécu avec le même homme. Après ces années j'étais certes toujours amoureuse mais vidée, harassée, fatiguée de la fuite. Ma vie ressemblait aux montagnes russes.

Pourtant je n'ai jamais pu renoncer. Je ne remets pas le moindre du monde en question les découvertes de la neuro-biologie, je trouve juste que nous utilisons facilement ses conclusions pour baisser les bras, pour justifier le fait que nous avons rendu les armes, que nous ne croyons plus à l'amour.

Mais si nous sommes un peu honnètes, si nous ouvrons les yeux, nous nous apercevons que malgré nos sarcasmes, notre amertume, notre humour au vitriol sur l'état amoureux et ses perspectives, tout notre cynisme n'a pas réussit à venir à bout du rêve. Que celles qui n'ont jamais jeté un coup d'oeil furtif au catalogue Pronuptia lèvent la main, que ceux qui n'ont pas observé jalousement un couple d'amoureux roucoulant sur un banc se dénoncent. Je crois qu'il n'y a personne debout, personne qui ose lever la main. Nous cherchons tous désespérement l'Amour, nous voudrions tellement rêver de l'existence de l'âme-soeur, nous aimerions tellement y croire encore. Mais la peur de souffrir nous fait préférer les explications scientifiques et renoncer à nos rêves. Ainsi nous sommes certains de ne pas trop souffrir, nous sommes aussi également certains de n'être jamais heureux.

Et si cette explication ne nous suffisait pas? La vraie question que nous pose la neurobiologie est la suivante: pourquoi la production d'endomorphine ( hormone de l'état amoureux) diminue t-elle au bout de trois ans? Si le fait de se maintenir à une certaine distance du partenaire permet de conjurer ce mauvais sort alors il semblerait que le problème vienne de la promiscuité? ou peut-être de l'état de fusion?

Peut-on continuer à désirer ce que l'on possède? Continue t-on à rêver de la petite robe rouge lorsqu'elle a rejoint notre armoire? la réponse est non. Le désir est un mouvement, une marche vers un objet, une conquête. Il nous est impossible de marcher vers ce que nous tenons dans nos mains.

En ce sens, le fait de vivre séparés, de rompre de temps en temps, de prendre des vacances dans des lieux différents peut maintenir désir et flamme, faire perdurer l'illusion que l'autre ne nous appartient pas.

Mais si il nous est nécessaire de tant nous agiter pour maintenir cette impression de distance et d'autonomie, pour entretenir le feu amoureux, n'est-ce pas le signe que cette distance n'existe pas à l'intérieur de nous-mêmes? Serions nous fusionnels par nature? si peu pourvus de limites émotionnelles qu'il faille en créer d'autres, artificielles? Est-ce notre besoin de l'autre qui tue l'amour?

Ceci est mon hypothèse: l'Amour s'éteint sous la dépendance de l'autre. Le désir disparaît dés que nous sentons que l'autre à abdiqué son désir au profit du notre, sa liberté à notre service. Les hormones amoureuses ne me semblent pas décroitre seules mais avec la sensation de posséder l'autre.

Cette hypothèse ouvre de nouvelles perspectives. Certes elle nous oblige à nouveau à considérer notre responsabilité respective dans nos ruptures amoureuses du passé mais elle nous permet également d'espérer à nouveau. Et si sortir de notre état de dépendance affective nous ouvrait grand la porte de l'Amour? cela vaudrait-il la peine d'essayer?